(13 juin 2003)
Article paru dans A Gauche Loiret, juin 2003.
La Fédération française des sociétés
d'assurance, branche spécialisée du MEDEF, a rendu public début juin son plan de privatisation partielle de l'assurance maladie. Il s'agit
d'imposer un nouveau partage des rôles entre les complémentaires
et la sécurité sociale en cantonnant cette dernière
à un rôle minimal de couverture universelle de base prenant
en charge les « gros risques » (traduisez : les affections non
rentables : longues maladies, pathologies dues au handicap ou à la
vieillesse...). Dans le même temps, les « petits risques »
(soins dentaires, optique...) ne seraient plus du tout remboursés
par la sécu, mais uniquement par les assurances.
Derrière le discours patelin qui promet à tous de meilleurs
remboursements et une gestion plus efficace des soins, il y a pourtant le
masque grimaçant de l'exclusion sociale : un enfant développant
une mauvaise vue car ses parents ne peuvent pas payer les barons financiers
aura plus de difficultés pour apprendre à lire, et les inégalités
se développeront encore davantage.
Bien sûr, nul ne prétendra que ce gouvernement-là préfère
les patrons à la nation ! Personne n'affirmera que la réforme
de l'assurance maladie annoncée pour la rentrée sera demain
l'enfant illégitime d'un patronat revanchard qui depuis des mois refuse
de siéger dans les caisses !
Pourtant, il n'est que trop prévisible que, sous prétexte
de « sauver l'assurance maladie », le gouvernement s'apprête
à démanteler la protection sociale. Depuis deux ans, le déficit
de la branche maladie de la sécurité sociale a explosé,
passant de 1,6 Mds € en 2000 à 9,2 Mds annoncés pour 2003. Dans
le même temps, ce ne sont pas moins de 19,7 Mds € qui ne sont pas rentrés
du fait des exonérations de la part patronale des cotisations sociales
non compensées par le budget de l'État. Cette politique des
caisses vides a toujours été utilisée par les néolibéraux
pour justifier la transformation en marché de secteurs où les
revenus étaient jusque-là socialisés.
Pour Jean-François Mattéi, le ministre de la santé, comme pour Juppé avant lui, l'objectif n'est pas en vérité de diminuer les dépenses de santé, car elles sont sources de juteux profits pour le secteur privé à but lucratif. Le but n'est pas non plus de mieux répondre aux exigences des patients, puisque les grandes multinationales pharmaceutiques exercent une véritable mainmise sur l'information et la formation continue des médecins, par le contrôle de la quasi-totalité de la presse médicale et la dérive commerciale des visiteurs médicaux.
Pour le système de santé, tant public que privé non lucratif, les conséquences de la marchandisation de la santé ne sont pas anodines :
L'assurance maladie ne survivra pas par le statu quo. De nombreuses questions
se posent : comment rapprocher l'hôpital des soins de ville, comment
mettre fin à la surconsommation médicamenteuse, comment assurer
une couverture complémentaire à ceux qui en sont actuellement
exclus ?
Ces questions doivent faire l'objet d'un véritable débat citoyen.
Il faut prendre le temps pour cela. Le gouvernement ne devra pas chercher
à passer en force, sans quoi l'esprit de mai-juin 2003 pourrait bien
revenir lui gratter les orteils !