Éditions du Seuil, Collection « La Couleur des idées », 1997, 465 pages. (Édition originale américaine : 1983).
La grâce divine constitue un bien pour ceux qui y croient. Mais il présente la particularité de ne pas pouvoir être acquis par un autre moyen que la foi : la sphère de la religion est totalement autonome.
Cela n'a pas toujours été le cas. L'Église et le pouvoir séculier se sont longtemps affrontés pour se contrôler mutuellement.
La séparation entre l'Église et l'État protège la religion de l'intervention politique. Dans la mesure où la foi est une affaire uniquement personnelle, les individus sont totalement libres d'adhérer à toute croyance qu'ils jugent meilleure que les autres. Ce mur de séparation organise un marché de la religion, absolument hors de tout contrôle étatique.
Mais la séparation vise aussi à protéger la sphère publique de l'intervention religieuse. Elle interdit la monopolisation du pouvoir par les détenteurs de la grâce divine, sur le modèle du parlement des saints de Cromwell. Elle garantit que les saints auront toute autorité pour organiser la communauté des croyants comme ils l'entendent, mais que la communauté des citoyens, pour sa part, sera gouvernée par les principes démocratiques. Dans une société fortement marquée par l'emprise d'une religion, les détenteurs de la grâce pourraient être démocratiquement élus. Mais l'affaiblissement du lien avec l'Église ou l'apparition de dissidences en son sein appellent nécessairement la sécularisation.